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Du service du pauvre à la rencontre d'un frère
« Dans le cœur de chaque homme et de chaque femme habite en effet le désir d’une vie pleine, à laquelle appartient une soif irrépressible de fraternité, qui pousse vers la communion avec les autres. »
- Pape François
Aller à la rencontre de celui qui est différent
Partir en mission, c’est partir à la rencontre de l’autre, profondément différent. Sur le terrain, les volontaires en font l’expérience : tous leurs repères sont remis en question. De la façon de s’habiller à la façon de manger, mais aussi d’entrer en relation, de célébrer sa foi… « Être volontaire Fidesco, c’est entrer avec humilité et patience dans l’histoire d’autres hommes dans toutes leurs composantes » affirme la charte de Fidesco. Humilité et patience sont les deux clés de la rencontre : l’une pour s’émerveiller de ce qu’est l’autre, sans le juger ; l’autre pour prendre le temps d’écouter, d’accueillir, sans toujours comprendre.
« Comprendre les Béninois pour mieux les rencontrer est une de nos principales préoccupations depuis que nous sommes ici, témoignent Marie et Aymeric. Au début, nous nous sommes sentis un peu seuls, car peu de personnes semblaient s’intéresser à nous. Nous étions étonnés du manque de curiosité des gens, les échanges n’allant pas au-delà de l’habituel : ‘‘Comment ça va ? Et les enfants ?’’. Questionner davantage est indiscret pour les Béninois. Au contraire, nous posions beaucoup de questions pour faire connaissance. Finalement nous avons compris qu’il fallait surtout être avec et faire avec plutôt que discuter avec ! Ici la joie et l’attachement se manifestent par la présence. Par exemple, lorsqu’un de nos enfants a eu des ennuis de santé, toute notre équipe de travail est venue à la maison pour manifester sa joie qu’il soit guéri ! Désormais nous sommes plus vigilants pour accueillir ces élans bienveillants, typiques de la culture béninoise et signes des relations qui se tissent. »
« C’est à travers les Haïtiens que le Seigneur nous montre le chemin pour Le suivre. La simplicité de notre quotidien à leurs côtés nous apprend à nous défaire de nos barrières intérieures, et nous nous sentons invités à revenir à l’essentiel, à aller à la rencontre de l’autre. Chaque jour, le ‘‘ça va’’ haïtien : ‘‘nou la, nou la’’, nous rappelle que le seul fait d’être en vie est une grâce ! Malgré toutes les difficultés auxquelles ils doivent faire face, les Haïtiens nous accueillent toujours avec bienveillance et ils nous édifient par leur confiance en la Providence. En mission, nos journées sont faites de confiance, d’abandon et nécessitent une conversion du coeur pour comprendre les Haïtiens en vérité et faire reculer nos limites. Tout signe a ici une résonance particulière : le sourire d’un mendiant qui n’a plus rien, une voisine qui monte dans le même tap-tap que moi et qui égaie mon trajet matinal… Nous redécouvrons la puissance d’un simple sourire, d’un regard aimant, d’une parole amicale. Notre quotidien est rempli de ces toutes petites choses qui nous comblent de joie et nous encouragent » racontent Maxime et Marie.
Recevoir de l’autre
Passer du service du pauvre à la rencontre d’un frère : voilà l’itinéraire intérieur que la mission nous invite à parcourir. Partis pour donner, les volontaires font d’abord l’expérience d’être eux-mêmes les étrangers qui doivent être accueillis.
Loin de leurs repères habituels, confrontés à leur propre pauvreté, ils entrent peu à peu dans cette disposition du coeur qui accepte de recevoir, de se laisser enseigner. Permettre à l’autre de donner, si pauvre soit-il : voilà ce qui le restaure profondément dans sa dignité.
« Arriver dans un pays dont nous ne connaissons ni la culture, ni les codes, ni la langue, nous oblige à accepter humblement toutes les mains tendues. Voilà déjà le premier fruit de la mission : vivre l’expérience de la vulnérabilité » rapportent Guillaume et Aurélie, tout juste rentrés de deux ans au Pérou.
Pour Mathilde, ancienne volontaire à Cuba, un simple trajet en vélo a été l’occasion de se laisser toucher par l’extraordinaire accueil des Cubains. « Je voudrais partager avec vous une rencontre qui m’a ouverte à la joie de savoir recevoir. Partie en vélo pour San José en début d’après-midi, je vois au loin qu’il a l’air de pleuvoir sur le chemin mais courageuse (ou têtue…), je me lance en espérant passer entre les gouttes. Or entre San José et Placetas, il y a 6 km d’une route essentiellement bordée par des champs de cannes à sucre. Je repère malgré tout une maison au bord de la route et m’engouffre sous le patio en catastrophe ! Je me retrouve chez de parfaits inconnus, trempée, sans rien sauf mon vélo. Je n’ai pas d’autre choix que de me tourner vers les habitants de cette maison, parce que j’ai besoin d’eux. Je suis accueillie par une grand-mère et sa fille de 50 ans qui me tendent des serviettes pour me sécher, me font du café. Elles semblent très contentes de m’accueillir mais sont interpellées par ma venue ici à Cuba comme missionnaire. Finalement je reste chez elles plus d’une heure à discuter et à rire ! Le grand-père revient des champs et il guette le temps pour me donner le top départ pour rejoindre San José sans risquer de me mouiller de nouveau. Ils me demandent de repasser par leur maison au retour car ils veulent m’offrir une calabaza (sorte de courge) de leur jardin. Je m’arrête donc de nouveaux chez eux deux heures plus tard. Ils m’installent à leur table, me tendent un jus d’ananas, et je repars chargée de poivrons, malangas (sorte de pomme de terre) et d’une énorme calabaza. Sur la fin du trajet, je pédale le sourire aux lèvres. Heureuse de ma rencontre et d’avoir tant reçu ! Je pense à ma vie à Paris, où je ne laissais aucun temps aux imprévus, aux rencontres impromptues, aux autres. Je me dis qu’il est pourtant tellement agréable d’avoir besoin des autres, mais que ça nécessite un certain dépouillement, d’accepter de ne pas tout contrôler. »
Quand les pauvres nous enseignent la fraternité
« Les pauvres sont nos maîtres » affirmait saint Vincent de Paul. Nombreux sont les gestes de fraternité qu’ils nous enseignent. Sur le terrain, les volontaires en font tous l’expérience : de ceux qui ont bien moins que nous, nous apprenons la solidarité, la générosité et le partage. En mission en Haïti, Maxime et Marie racontent : « Ménès est un habitant du quartier Sainte Marie. Pour faire vivre sa famille, il cumule Les entreprises : vendeur de bières fraîches, confectionneur d’uniformes pour les écoles, importateur de matériel... Il n’a pas beaucoup, et le peu qu’il a, il le met dans la maison qu’il construit sur un terrain prêté par le Foyer de charité voisin. Pourtant, lorsqu’il croise un jeune en qui il croit, il n’hésite pas à prendre sur ce qu’il a pour financer ses études. Avec sa femme Magdala, il a recueilli un jeune, Géry, qui avait été abandonné par sa famille. Il a rapidement décidé de s’en occuper et de lui offrir un cadre familial aimant. Depuis, il a eu un enfant avec sa femme, mais continue de veiller tel un père sur Géry qu’il veut placer l’année prochaine dans l’École Professionnelle Saint Joseph Artisan ! Ces rencontres nous construisent car elles nous donnent une perspective nouvelle. Elles ne vont probablement pas nous métamorphoser, mais elles nous ouvrent des petites voies qui pourraient nous rendre très heureux si nous arrivions à les emprunter. » ■
Crédits Photo : ©Volontaires Fidesco
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